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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/53

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l’ombre s’efface

attentions de son mari avec une sorte de condescen­dance, alors que dans l’accent de ce dernier passait comme une supplication d’accepter ses soins avec plus de sympathie.

Dans mon esprit un peu plus averti, je me disais que M. de Sesse avait sans doute quelque peccadille à se faire pardonner et que sa compagne était réfrac­taire au pardon.

M. de Sesse s’intéressa à moi avec beaucoup d’ama­bilité. Je croyais que sa femme lui raconterait tout de suite ma vie, mais elle n’en parla pas. Ce silence m’étonna, et je compris que leur intimité était toute de surface. Peut-être me trompé-je et lui réservait-elle ce récit pour leur solitude à deux.

Je m’étonnais que Mme de Sesse, si charmante, ne répondît pas par des paroles affectueuses à la solli­citude qu’il lui montrait.

Je ne pus m’appesantir longuement sur ces impressions, car M. de Sesse nous entraînait sur des sujets variés.

Il arriva qu’Hervé fut sur la sellette.

— Que pensez-vous de ce jeune homme, madame ?

Ma repartie fut toujours la même :

— Je le trouve fort bien, et vraiment il a une beauté d’archange.

— Heuh ! vous l’idéalisez ! Je crains bien qu’il n’ait que cette beauté comme qualité.

— Ce serait bien périssable, dit Mme de Sesse.

— Dans tous les cas, sa fidélité à sa fiancée est tou­chante, répliquai-je avec assurance. Il en parle encore avec émotion.

— C’était une si délicieuse enfant ! murmura M. de Sesse pensivement. Quand je les voyais ensemble, je pensais toujours au loup et à l’agneau.

— Vous exagérez un peu, mon ami. Hervé ne me semble pas cruel.

Il ne m’était pas agréable d’entendre parler ainsi d’Hervé que je voulais apprivoiser, c’est-à-dire lui faire perdre ses idées de vengeance contre Jacques. Je me persuadais que mon devoir était dans cette tâche. La jeunesse est téméraire, et je me lançais dans cette aventure avec la foi d’une personne présomp­tueuse.

Un peu de bon sens m’empêchait de révéler mes