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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/86

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l’ombre s’efface

— Oui, je sais : on a envoyé cette petite chez une nourrice.

— Oh !

— Oui, comme si les dames riches ne pouvaient pas nourrir leur enfant ! C’est pas courageux… Enfin, quand on dira ! Et puis ça ne me regarde pas !

Cette femme m’intriguait follement. Je sentais des réticences dans ses paroles. J’avais le pressentiment qu’elle devait savoir une foule de choses. Alors que j’avais hâte de voir surgir Mme de Sesse, je n’espérais plus qu’un retard de sa part ! Je ne pensais même plus du tout à Hervé.

Comme j’allais reprendre la parole pour questionner encore la gardienne de la villa, elle annonça :

— J’entends Monsieur.

— C’est peut-être Mme de Sesse.

Je quittai le fauteuil où j’étais assise et je dis très vite :

— Venez me voir, n’est-ce pas ? Je voudrais vous demander certaines précisions.

Pendant qu’elle me répondait affirmativement, Hervé entra :

— Bonjour, madame. Oh ! que je regrette de vous avoir fait attendre ! Mme de Sesse n’est pas là ?

— Non.

— Elle est bien en retard !

Hervé allait et venait dans le salon. Je ne lui trouvais plus son air calme. Une idée le préoccupait visiblement et je le plaignis de nouveau, sachant qu’il venait aujourd’hui dans une intention mélancolique.

Nous étions seuls. La domestique avait disparu.

J’étais fort à l’aise. Nous étions maintenant assis tous les deux et nous parlions de Janine. Je deman­dais à Hervé des détails sur le caractère de la chère petite, et il ne tarissait pas sur sa douceur et son indulgence.

— Ressemblait-elle à son frère ?

— Pas du tout. Son visage était suave et ne reflétait pas l’aspect autoritaire de celui de Jacques. On pouvait s’entretenir avec elle pendant des heures sans que la sérénité la quittât. Ses gestes étaient des enveloppements d’affection, et ses paroles des envols de bonté. Ah ! quelle douleur de l’avoir perdue !