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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/87

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l’ombre s’efface

Un moment d’émouvants regrets passa. Après ce silence, Hervé se leva brusquement et dit :

— Nous pourrions déjà nous occuper de quelques objets, en attendant Mme de Sesse.

— Si vous voulez.

J’étais tout émue par les phrases pleines de cœur qu’il avait prononcées et je me reprochais de l’avoir méconnu…

Il sortit du salon pour monter l’escalier, et je le suivis sans presque réfléchir. Je ne voyais aucun danger, tellement ses manières remplies d’indifférence jugulaient toute peur en moi. Cependant, j’eusse voulu attendre Mme de Sesse, mais d’un instant à l’autre elle pouvait survenir.

J’entrai derrière lui dans une chambre à coucher d’un goût délicat. Elle était blanche et rose. De grands rideaux de damas rose ressortaient sur les tentures crème des murs.

Ma pensée allait vers Janine qui ne jouirait pas de ce cadre. J’étais violemment bouleversée. Hervé était aussi silencieux que moi et je n’osais parler, de crainte de le troubler.

Enfin je le regardai. Son beau visage était transformé. Une horrible expression le déformait et je le reconnaissais à peine.

J’eus peur. Je voulus crier, mais il arrêta mon cri en me saisissant brutalement.

— Je te tiens ! hurla-t-il. Ah ! j’ai pu endormir tes craintes ! Enfin je me venge !

Il eut un rictus effroyable. Je bondis jusqu’à la porte et je descendis l’escalier comme une trombe. Il me rattrapa alors que j’allais atteindre l’entrée et me rejeta dans le salon.

Ma pensée tournait comme une hélice dans mon pauvre cerveau et je me répétais : « C’est un Garribois ! Mon Dieu, protégez-moi ! »

Dans le salon, je restai près de la porte, essayant de briser la serrure, de l’arracher. Des gémissements sortaient de mes lèvres. J’entendis cependant, à travers le trouble qui augmentait dans ma tête :

— J’ai de la patience. Tu peux attendre Mme de Sesse pour te défendre. Je t’ai jouée ! Tu vas te fatiguer en cherchant à m’échapper. Tu ne vas pas me faire croire que tu es une honnête femme. Quand on