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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/88

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l’ombre s’efface

est danseuse, sortie d’une famille plus que suspecte, on n’a pas de ces grands airs ! Tu peux t’égratigner les doigts à la porte, elle est fermée à double tour.

Mon Dieu ! ce monstre me lançait mon passé à la face ! Comment savait-il ces choses qu’il connaissait si mal ? Ma vie me faisait honneur et je n’avais pas à en rougir.

— Laissez donc cette porte tranquille !

Hélas ! c’était de plus en plus comme chez Garribois et je n’avais pas la ressource de sauter par la fenêtre, parce que je n’étais pas seule et qu’Hervé me surveillait.

J’étais pétrifiée de surprise et de douleur. Il suivait sur mon visage les impressions que me causaient ses révélations.

Je criai :

— Je suis fière de mon art, et ma vie a toujours été digne !

Ma phrase fut arrêtée par un ricanement et des paroles insultantes.

— Vous avez su vous faire épouser par un homme riche. Vous êtes une rouée !

— Taisez-vous !

— Naturellement, vous n’aimez pas qu’on vous dise vos vérités, mais je vous dirai encore que l’on vous a recueillie dans une rue, chancelante. Vous mouriez de faim, avez-vous prétendu, mais j’incline plutôt à croire que vous aviez absorbé un peu trop de champagne.

— C’est faux ! hurlai-je.

Devant mes yeux passaient les feux rouges de la colère et de l’indignation. Je me retenais pour ne pas sauter, ainsi qu’un chat, à la figure de mon bourreau.

Mon désespoir ne connaissait plus de bornes. Je croyais avoir vécu les heures les plus terribles de ma vie, mais elles n’étaient rien en comparaison de celles que je supportais pour le moment. Je pensais à l’honneur de mon mari. Il s’y ajoutait une épouvante et une surprise de découvrir une duplicité pareille. Il me semblait que je devenais le jouet d’un tigre.

Il poursuivit :

— Ne vous étonnez pas de me savoir si bien au courant de votre existence. J’avais un ami dans le cercle où Jourel vous a amenée.