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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/137

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marane la passionnée

— Je veux simplement essayer d’entrevoir de nouveau M. Descré.

— C’est un scandale ! gémit ma mère. Tu n’as pas honte ? Si on te remarque, tu seras perdue de réputation. Comment peux-tu envisager cela de sang-froid ? On dira que tu cherches une aventure. Ne sens-tu pas le côté inconvenant de ta conduite ?

Les paroles de maman ne me touchaient pas. Était-ce parce que je vivais trop avec la nature ? Mais mon instinct seul me guidait. Il me semblait impossible que l’on trouvât ma conduite répréhensible. N’ayant aucune intention déloyale, je pensais que chacun plongeait au fond de ma conscience.

Je répondis donc :

— Je ne vois nulle inconvenance dans mon sentiment. J’ai pour ce monsieur tant d’admiration, tant d’amour et de respect, que mon âme s’est élevée d’un seul coup à une hauteur insoupçonnée. Il n’y a pas de place pour l’ombre du mal.

Ma mère haussa les épaules.

— Tu ne connais pas la portée de ce que tu racontes.

Je me révoltai :

— Je me demande quelle autre portée on pourrait attribuer à ce que je dis. Je sais que cet homme est marié, et sa femme peut m’être sympathique.

J’avoue que ces mots me coûtèrent assez de peine à être articulés. Ils me brûlèrent les lèvres.

Je convins avec ma conscience que je n’étais pas sincère et je repris :

— Je crois que cette dame me déplaira ; mais je n’aurai pas plus à m’en occuper que je ne m’occupe de son mari. Ce que je veux seulement, c’est le revoir. On aime revoir le soleil, la mer, un beau jardin.

Ma mère me contemplait avec effroi. Ma nature lui apparaissait. Elle s’étonnait de la passion que j’apportais aux choses, et elle murmura d’une voix saccadée :

— Je ne sais de qui tu tiens ! Tu montres des sentiments excessifs dans tous tes actes. Quand je t’entends parler amour à ton âge, avec cette force et cette volonté, je suis