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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/152

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Pour briser des ponts de fer on procède d’après les mêmes principes.

Nous citerons comme exemple la destruction par la dynamite du pont de fer de Culera près Cerbère (Pyrénées-Orientales).

Le magnifique pont en fer de Culera, sur la ligne de Figueras à Banyuls, venait à peine d’être lancé, et d’être posé sur ses piles, qu’un coup de vent le précipitait, d’une hauteur de 15 mètres, dans la vallée qu’il devait traverser. La partie contiguë à la culée restait seule adhérente. Il s’agissait donc de séparer les parties tordues en tronçons utilisables, et de briser, à la dynamite, pour en faciliter le transport, les poutres qui ne pouvaient plus servir à la reconstruction. Pour cela un boudin de dynamite du poids de 500 grammes fut enveloppé de terre grasse, et placé suivant le tracé de la section qu’il s’agissait de déterminer, contre la tôle et les fers composant une des poutres. Cette poutre était formée de deux feuilles de tôle de 1 centimètre d’épaisseur, assemblées par deux cornières, le tout fortement rivé. L’explosion de la dynamite la rompit net. La section totale de la poutre était de 120 centimètres carrés. Or, en admettant que la résistance de la tôle au cisaillement soit de 4 tonnes par centimètre carré, on trouve que les 500 grammes de dynamite employés ont développé, pour rompre la poutre, un effort de cisaillement de 48 tonnes.

La dynamite offre ce caractère remarquable que sa force peut être pondérée, de manière à ne produire que l’effet voulu, sans dépasser les limites que l’ingénieur s’est imposées. Il est toujours facile de produire un effet violent, brutal, mais il est beaucoup plus intéressant, et même dans certains cas, il est indispensable, de pouvoir mesurer d’avance l’étendue du choc que l’on veut produire.

Parmi les exemples que l’on peut citer de cette particularité, nous rapporterons les faits suivants, empruntés à une communication faite le 21 mai 1885, à la Société scientifique industrielle de Marseille, par M. Brunet de Saint-Florent, ingénieur de la Société générale de dynamite.

Il s’agit d’abord du découpage des tôles d’un navire submergé.

Le paquebot l’Ethelwine ramenait d’Espagne un chargement de 1 000 tonnes de minerai de fer, lorsqu’il fut abordé par un autre bâtiment à vapeur, venant de Rotterdam, qui défonça complètement ses tôles de l’arrière. Il coula immédiatement, et le capitaine n’eut que le temps d’enlever sa caisse et ses papiers. Tout le reste fut englouti, mais l’équipage fut sauvé.

Cette collision avait eu lieu près de l’embouchure de la Meuse, à 30 kilomètres de Rotterdam.

Ce navire, quoique complètement sous l’eau, ne pouvait être laissé sur place, parce qu’il aurait constitué un danger permanent pour la navigation, très active dans ces parages.

Le gouvernement hollandais fut donc obligé de mettre en adjudication l’enlèvement complet de ce bâtiment. M. Brunet de Saint-Florent fut chargé de ce travail.

Le paquebot étant complètement sous l’eau, on ne pouvait employer les moyens ordinaires, qui consistent à tirer de très forts coups de dynamite, de manière à écraser, en quelque sorte, le navire, et à accumuler ses débris au fond du lit du fleuve. Il fallait, au contraire, opérer avec beaucoup de méthode, découper et enlever toutes les parties en bois ou en tôle placées sur le pont, la cabine du capitaine et sa passerelle, les cabines latérales en tôle, les petits treuils à vapeur, et ensuite découper tout le pont par bandes (pouvant être enlevées à l’aide de chèvres à vapeur, installées sur 2 navires placés de chaque côté de l’épave), et enfin retirer le minerai, à l’aide de machines à draguer.