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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/161

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D’ailleurs, pour que l’emploi des rayures portât tous ses fruits, il était indispensable de doubler, voire même de tripler, la charge de poudre, et par conséquent, d’employer, pour la fabrication des canons, un métal plus résistant, plus dur que le bronze, dont nous avions jusqu’alors fait exclusivement usage. Ce métal, on le connaissait, c’était l’acier ; seulement, nous ne savions pas fabriquer des blocs d’acier assez volumineux, assez épais, pour qu’on pût y forer une pièce, et ce secret, l’Allemagne le possédait depuis de longues années. L’usine Krupp avait pu fournir à l’armée prusienne, avant 1866, et de 1866 à 1870, aux armées de Bavière, du Wurtemberg, de la Saxe et du grand-duché de Bade, des pièces en acier rayées, qui se chargeaient par la culasse, et dont la portée n’était pas inférieure à 6 000 ou 7 000 mètres.

Fig. 130. — Le général Treuille de Beaulieu.

L’artillerie française, momentanément distancée, fit les plus remarquables efforts pour regagner le temps perdu. Pendant l’année terrible, à l’heure où les Allemands marchaient sur Paris, de Reffye installait des ateliers, à Nantes d’abord, ensuite à Tarbes, et il livrait à nos armées improvisées des canons de 7, qui se chargeaient par la culasse.

L’œuvre de Reffye a été appréciée par un bon juge en fait d’artillerie. Le 30 décembre 1883, à l’inauguration du buste de Reffye, à Tarbes, le général Tricoche, qui représentait, à cette touchante cérémonie, le Ministre de la guerre, s’exprimait en ces termes :

« Les admirables travaux de Reffye sur les canons à longue portée venaient à peine d’aboutir quand la guerre fut déclarée. À cette heure suprême, Reffye se multiplie. Il presse fiévreusement l’achèvement de ses mitrailleuses, les porte lui-même à nos troupes, déjà en marche vers la frontière, et enseigne à nos soldats surpris le maniement de ces engins redoutables. Puis, il dote nos jeunes armées d’un matériel plus puissant que celui de l’ennemi, et leur permet ainsi de continuer cette lutte héroïque qu’on peut appeler la lutte pour l’honneur du nom français. »

Après la guerre de 1870-1871, le matériel d’artillerie était insuffisant pour notre armée réorganisée. Il fallait se hâter, car une nouvelle guerre paraissait alors imminente. De Reffye se remet à l’œuvre. En 1874, il crée, à Tarbes un grand atelier de construction. En moins de deux ans, il arme nos batteries. Toutes les pièces qui avaient été fabriquées pendant l’hiver de 1870-1871, à Paris ou en province, furent soumises à des essais de tir, et provisoirement affectées à l’armement de nos régiments d’artillerie.

Il serait difficile d’imaginer le spectacle confus qu’offrait alors notre artillerie. Certaines pièces de 7 étaient rayées de droite à gauche, d’autres de gauche à droite. Chaque régiment se composait de batteries de 7, de batteries de mitrailleuses, de batteries de canons Withworth, et même de batteries de