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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/294

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successives qu’a reçues, dans notre siècle, la marine de guerre, non seulement en France, mais en Europe et en Amérique, et nous avons signalé, depuis la guerre de Crimée jusqu’en 1870, deux phases distinctes de cette évolution vers le progrès : d’abord la substitution de la vapeur à la voile ; puis, l’apparition de la cuirasse de fer et du gigantesque éperon des navires. Nous avons décrit les deux types alors les plus récents de la flotte cuirassée française, c’est-à-dire la frégate cuirassée le Marengo, et la corvette cuirassée l’Alma, construites en 1865.

Notre flotte militaire aurait pu jouer un rôle dans la guerre de 1870-1871. On sait, toutefois, que son intervention y fut presque nulle. Sans doute, nos marins débarqués déployèrent le plus brillant courage, soit en défendant une grande portion de l’enceinte de Paris assiégé, soit en prenant une part importante aux combats livrés par l’armée de la Loire. Mais sur mer, aucun fait militaire n’est à signaler. On ne peut que citer la rencontre qui eut lieu, près de la Havane, entre un petit croiseur français, le Bouvet, et une canonnière prussienne, le Meteor.

On parla beaucoup, à la vérité, d’une expédition à tenter contre les côtes septentrionales de la Prusse, mais elle ne fut pas exécutée. C’est que nous ne disposions que d’un nombre tout à fait insuffisant de bâtiments cuirassés à faible tirant d’eau, et que les grands cuirassés, comme le Marengo et le Solferino, ne pouvaient être d’aucun secours pour un débarquement, ou même pour un bombardement à courte distance. Certes, si l’escadre française avait pu, le jour même de la déclaration de guerre, c’est-à-dire le 16 juillet 1870, cingler vers la mer du Nord, elle eût facilement détruit les trois vaisseaux cuirassés de l’escadre prussienne, qui s’étaient réfugiés à l’embouchure de la Jahde. « Mais, comme le dit l’amiral Bourgeois, on discutait, dans les conseils du gouvernement, la nomination du commandant en chef de l’escadre du Nord, lorsque celle-ci aurait déjà dû être à la mer. »

Nos escadres ont pourtant rendu à la France de signalés services. Pendant que nos armées de terre prolongeaient bravement une résistance opiniâtre et désespérée, elles bloquaient quatre navires de guerre prussiens : l’Augusta dans le port de Vigo, la Hertha et la Médusa dans les ports de la Chine, l’Arcona dans le port de Lisbonne. Si bien que la navigation de nos bâtiments de commerce et de transport ne fut jamais sérieusement entravée.

Depuis la guerre de 1870-1871, l’Allemagne a développé sa flotte militaire dans des proportions telles qu’elle a mérité de prendre rang désormais parmi les puissances maritimes, et d’autre part, l’Italie et l’Angleterre, aussi bien et même mieux que l’Allemagne, ont fait de grands sacrifices pour augmenter, non seulement le nombre de leurs bâtiments de guerre, mais aussi la valeur offensive et défensive de chacun d’eux.

Nous ne pouvions demeurer en arrière. Depuis 1870, nous avons perfectionné et agrandi nos ressources de destruction et d’attaque par mer. À mesure que les machines et chaudières à vapeur se perfectionnaient et que l’artillerie, de son côté, acquérait une puissance extraordinaire, la tactique navale subissait des modifications complètes et presque radicales.

Il devint indispensable de remanier tout notre matériel naval. Dès que la puissance offensive a augmenté (nous entendons par puissance offensive les canons, les armes diverses et l’éperon d’un navire cuirassé), nos ingénieurs se sont appliqués à imprimer de nouveaux progrès à la puissance défensive (blindage par la cuirasse, murailles cellulaires, filets Bullivan, contre les tor-