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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/355

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La chaloupe est un moment retenue par sa hampe, qui est prise sous la carène de la frégate chinoise, mais le commandant réussit bientôt à se dégager. Les Chinois, affolés par l’explosion, tirent au hasard des coups de canon, de mitrailleuses et de fusil, qui ne portent pas.

Le lieutenant Dubois, qui s’était retardé, arrive alors, et lance sa chaloupe à toute vitesse. Il touche le flanc du Yu-Yen avec sa torpille portée, qui éclate aussitôt (fig. 287, page 353).

Après l’explosion de la deuxième torpille, les deux chaloupes s’éloignent le plus rapidement possible, non sans recevoir un certain nombre de balles et de mitraille, mais par un vrai miracle, aucune avarie grave n’en résulte, et un seul homme est mortellement frappé dans la chaloupe du commandant Grourdon.

Seulement, au milieu de l’obscurité, nos canots porte-torpille ne retrouvent plus ni leur route, ni le lieutenant Ravel, qui s’est arrêté à 800 mètres environ des navires chinois. Ils s’engagent au hasard dans un chenal autre que celui qui les a conduits devant Shei-poo ; et, après de dangereuses péripéties, ils arrivent enfin à bord d’un de nos transports, la Saône, qui stationnait dans ces parages.

Quel avait été le résultat de l’admirable exploit de nos deux marins ? Le Yu-Yen avait été coulé par l’explosion de nos deux torpilles. Quant au Tchen-King, il avait été démoli par les projectiles mêmes des canonniers chinois. En effet, au moment de l’apparition de nos canots porte-torpille, les matelots chinois avaient tous perdu la tête, et ils s’étaient mis à tirer dans toutes les directions ; si bien que leurs canons mêmes avaient éclaté et démoli leur navire.

L’amiral Courbet se mit à la recherche des trois croiseurs qui lui avaient échappé. Il les trouva réfugiés dans la rivière de Ning-pô, en compagnie de quatre autres navires. Cependant il reconnut l’impossibilité de les attaquer en ces parages sans faire courir à ses bâtiments les plus extrêmes dangers.

Il s’en consola en s’emparant, le 29 mars 1885, avec les cuirassés le Bayard et la Triomphante, les croiseurs le d’Estaing et le Du Chaffault, qu’accompagnait la canonnière la Vipère et le grand transport l’Annamite, de Ma-Kung, port principal des îles Pescadores. Bien qu’il fût défendu par cinq forts avec des batteries armés de 27 canons, quelques-uns de gros calibre, tout le petit archipel de Pescadores tomba en notre pouvoir et donna un port magnifique à notre flotte de Chine.

Le 11 juin 1885, dans ce même port de Ma-Kung, Courbet, usé par les fatigues et les déboires de toute espèce qu’il avait essuyés, mourait, à bord du vaisseau amiral, avec le stoïcisme d’un héros.

La campagne navale de la Chine de 1884 nous a laissé des enseignements importants. La destruction de la flotte chinoise, le 23 août 1884, prouve que la cuirasse est suffisante pour atténuer la force destructive de l’artillerie nouvelle ; l’impuissance de nos obus de 14 centimètres pour ruiner l’arsenal de Fou-chéou, et le grand effet de nos pièces de 19 et de 24 centimètres contre les batteries blindées de la rivière Min, démontrent la nécessité des gros calibres dans de semblables opérations.

Enfin, la destruction des deux croiseurs chinois par le torpilleur du Bayard montre que l’art torpéique a aujourd’hui ses règles, confirmées par la victoire.

Notre escadre a essayé, en 1889, d’établir la tactique des torpilleurs en exécutant, à Toulon, des manœuvres navales. Ces manœuvres ont offert le plus vif intérêt. Malheureusement, il a été à peu près impossible