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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/363

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Les résultats des essais donnent quelques espérances, si l’on peut appeler de ce nom la destruction et la ruine des superbes constructions qui font l’orgueil des nations maritimes.

En novembre et décembre 1889, le Gymnote a fait des plongées très précises, tant en profondeur qu’en direction. Il a franchi sous l’eau une distance de 1 200 mètres, évitant les ancres et les chaînes d’amarre, et passant sous les vaisseaux cuirassés avec facilité. Il est descendu jusqu’à la profondeur de 16 mètres. Les accumulateurs électriques alimentaient le courant avec une entière régularité.

Le commandant du Gymnote, M. le lieutenant de vaisseau Baudry Lacantinerie, a remplacé la lunette de vision coudée, qui servait lorsqu’on était à une petite profondeur, par un périscope, qui embrasse tout l’horizon.

Pour remplacer le compas compensé, qui, dans la coque de fer d’un bateau, est sujet à de continuelles perturbations, on a installé un giroscope électrique, qui donne la direction d’une façon régulière. Un ventilateur électrique renouvelle l’air en quelques minutes. Un servo-moteur électrique permet de gouverner de partout, et un plomb de sonde spécial sert à mesurer les profondeurs et, au besoin, servirait d’ancre.

Pendant qu’à Toulon le ministère de la marine faisait exécuter les expériences du Gymnote, un inventeur, M, Goubet, faisait construire à ses frais, risques et périls, un nouveau modèle de bateau sous-marin. Ce bateau a été construit sur la Seine, à Puteaux, en 1888. Il est en tôle et a la forme d’un cigare. Des lentilles permettent de voir au sein de l’eau. Son moteur est une machine dynamo-électrique Edison, alimentée par des accumulateurs, et actionnant une hélice par des roues dentées. L’hélice s’incline dans tous les sens, de façon à faire plonger ou marcher l’embarcation. D’énormes cisailles, destinées à couper les fils des torpilles, sont placées à l’avant, et se manœuvrent de l’intérieur. Des lampes électriques à incandescence éclairent le bateau, dont l’équipage, réduit à deux hommes seulement, a pour respirer une provision d’oxygène comprimé.

Après les premiers essais faits sous la Seine, M Goubet fit transporter son bateau, sur un truck de chemin de fer, à Cherbourg, pour y continuer ses expériences.

Là le bateau sous-marin a évolué sous l’eau, selon des directions différentes, désignées d’avance, et il est resté englouti assez de temps pour prouver que le problème de la respiration des hommes dans une embarcation submergée est désormais résolu.

Les premières expériences faites par l’inventeur à Cherbourg sont du mois de septembre 1888 ; elles ont été continuées au mois de mars 1889.

Un journal de Paris a publié un récit assez amusant du séjour de deux marins sous l’eau, dans l’expérience du 1er mars 1889.

Deux hommes, écrivait-on à ce journal, à la date du 1er mai 1889, le scaphandrier Kieffer et un de ses camarades, Prot, ont été enfermés dans le Goubet et descendus à six mètres de profondeur, à 9 heures 15 minutes. Ils ont été remontés à 5 heures 15 minutes, après 8 heures d’immersion, absolument frais et dispos. Nous allons laisser le scaphandrier Kieffer raconter ses impressions :

On nous a descendus à six mètres, profondeur constatée d’après nos manomètres.

Première heure. — La première heure a été prise à régler tous nos instruments, les tubes d’oxygène et les pompes.

Nous n’avions plus alors rien à faire qu’à donner un coup de piston de temps en temps.

Deuxième heure. — Nous avions emporté un jeu de cartes. Nous nous sommes mis à faire une partie de piquet.

Troisième heure. — L’oxygène nous avait rendus un peu gais : nous venions de prendre un petit apéritif. Nous nous mîmes donc à déjeuner de très bon appétit. Nous avons dévoré des hors-d’œuvre,