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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/538

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octobre 1888, lorsque ce poêle fut allumé pour la première fois, que survint l’empoisonnement de toute la famille, bien qu’elle ne séjournât dans la salle à manger qu’au moment des repas.

Rien ne pouvait faire prévoir le défaut de tirage du poêle mobile, qui, jusqu’alors, n’avait occasionné aucun accident sérieux. Voilà précisément un des grands dangers de ce système : c’est qu’on est pris, tout à coup et à l’improviste, par un fonctionnement accidentellement vicieux de l’appareil, et cela même lorsqu’il se trouve entre les mains de gens instruits. Il est digne de remarque, en effet, que les victimes du poêle toxique, pour me servir de l’expression de notre collègue, M. Gabriel Colin, ne sont pas toujours des personnes ignorantes du danger, mais souvent des personnes le connaissant parfaitement, comme des ingénieurs, des médecins, des pharmaciens, etc.

Un cas, observé par les Drs Margerin (de Valenciennes) et Wannebroucq de (Lille), mérite d’attirer d’autant plus l’attention, que le poêle mobile, cause de la catastrophe, se trouvait loin de la pièce occupée par les victimes.

Le 16 décembre 1888, au matin, une jeune enfant était trouvée asphyxiée dans une chambre du premier étage ; la bonne, qui couchait dans la même pièce, respirait encore, mais ne tardait pas à succomber également. Les symptômes observés donnaient aux médecins traitants la certitude que cette double asphyxie avait été causée par l’invasion dans la chambre d’une quantité notable d’oxyde de carbone.

La chambre en question était isolée des deux côtés par un double corridor traversant toute la maison, avec jour par deux fenêtres donnant sur un jardin, sans communication directe, par conséquent, avec des chambres voisines. Le feu de la cheminée de cette chambre n’avait pas été allumé. La mère, en rentrant le soir, vers dix heures, était allée voir son enfant. Trouvant la chambre un peu froide, elle avait été sur le point de faire allumer le feu, mais elle s’était contentée de bien fermer la porte, qui avait été garnie récemment (ainsi que les fenêtres) de bourrelets, afin d’empêcher l’accès de l’air extérieur. Nulle autre cause possible d’intoxication qu’un poêle mobile placé dans le vestibule du rez-de-chaussée, et dont la conduite de fumée venait déboucher dans un tuyau de cheminée qui avait été établi spécialement pour le service de cet appareil, tuyau contigu avec celui desservant la cheminée du salon situé au rez-de-chaussée, au-dessous de ladite chambre.

Nous passons sur d’autres observations du même genre, citées par le Dr Lancereaux, pour dire qu’à côté des accidents aigus, il existe des accidents chroniques, beaucoup plus fréquents et moins bien connus.

Une personne âgée de trente ans, brodeuse, vint consulter le Dr Lancereaux pour une céphalée et vertiges, de la tendance aux lipothymies, un anéantissement général, et un désordre de la sensibilité tactile qui l’empêchaient de diriger son aiguille, et lui faisaient croire qu’elle marchait sur du feutre. Elle avait, en outre, du tremblement de la langue, de la myodopsie, des rêves nocturnes, une diminution notable de la mémoire, de mauvaises digestions et une décoloration manifeste des téguments. Cette dame se chauffait, depuis trois ans, à l’aide d’un poêle Choubersky, marchant toujours en petite vitesse, et placé dans la cheminée de la salle à manger. Ce renseignement mit le Dr Lancereaux sur la voie du vrai diagnostic : la malade lui affirma, en effet, que les accidents dont elle se plaignait se manifestaient, depuis trois ans, pendant la saison de l’hiver, à partir du moment où elle commençait à allumer son poêle, dans la salle à manger, malgré son habitude de