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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/537

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minée dans une autre ? On ne voit pas en quoi des mesures appliquées à la construction des poêles, seraient plus abusives que celles qui concernent la réglementation des cheminées. D’un autre côté, personne n’oserait trouver mauvaises les mesures que prend aujourd’hui l’administration, contre l’insalubrité et l’insuffisance des logements ?

Or, une chambre dans laquelle brûle en permanence un poêle à combustion lente n’est-elle pas un logement insalubre et dangereux, au premier chef ? « En conséquence, dit le Dr Lancereaux, je ne vois, pour mon compte, rien d’exclusif à ce que les poêles mobiles soient soumis à certaines mesures de police sanitaire. »

Les analyses de M. le Dr Dujardin-Beaumetz et du Dr J. de Saint-Martin ne modifient en rien ce que nous savons des dangers des poêles mobiles ; car ce qu’il importe de connaître en pareil cas, ce n’est pas la quantité proportionnelle des gaz qui s’échappent par le tuyau d’un poêle ou d’une cheminée, mais bien la proportion des substances délétères qui se répandent dans la pièce où brûle ce poêle, en un mot, dans l’air que nous respirons.

MM. Le Roy de Méricourt et Ferréol, très partisans de la douce chaleur des poêles mobiles, se consolent assez facilement, dit le Dr Lancereaux, des accidents que déterminent ces appareils, lorsqu’ils viennent nous dire que les progrès réalisés dans les sciences appliquées ayant été, à leur début, achetés par quelques dangers, il est naturel qu’il en soit de même pour les poêles mobiles.

Il semble un peu osé de comparer l’invention de ces poêles à une découverte scientifique : c’est, et ce sera toujours, dit le Dr Lancereaux, une invention malheureuse, car malgré les meilleurs conseils, on n’arrivera jamais à faire comprendre au public toutes les causes du danger et à les lui faire éviter. Après cette discussion, les accidents pourront être moins fréquents et moins désastreux qu’autrefois, uniquement parce qu’on évitera de se servir des poêles mobiles, et non parce qu’on s’en servira avec plus de précautions.

Ces accidents, d’ailleurs, sont, à l’heure actuelle, des plus communs. Il y a quelques jours, on a pu lire dans la plupart des journaux qu’un officier distingué de notre armée succombait, asphyxié par un poêle mobile placé la nuit dans sa chambre à coucher, et qu’il avait oublié de fermer.

M. Lancereaux cite d’autres faits du même genre.

Le 7 février 1890, mourait, rue Legendre, n° 89, une jeune femme de vingt-neuf ans, qui, après avoir transporté son poêle roulant dans la pièce où elle se trouvait, n’avait pas, par inattention, engagé le tuyau dans l’ouverture ménagée dans le tablier de la cheminée.

Le 18 février, une dame, âgée, de cinquante-neuf ans, succombait, rue Château-Landon, à une asphyxie du même genre, produite par un poêle Choubersky : elle avait oublié d’y apposer le couvercle.

Le professeur Potain a envoyé à une commission instituée au Conseil de salubrité de la Seine dans le but de rechercher les moyens propres à éviter les dangers des poêles mobiles, plusieurs observations, très-curieuses et très intéressantes, en ce sens que, dans la plupart des cas il s’agit d’empoisonnement à distance.

M. le Dr Poulet, médecin principal, a, de son côté, rapporté le fait de l’empoisonnement général de la famille du Dr Mussat, son gendre, médecin-major, au 44e régiment de ligne. Il s’agissait encore d’un poêle Choubersky, que l’on plaçait dans une niche de salle à manger. Tout l’hiver 1887-1888, ce poêle avait été allumé, sans produire d’autres accidents que des vertiges et de la tendance aux lipothymies. C’est en