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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/626

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ne donnait le moyen de comparaison applicable à ce cas.

Au lieu d’un seul foyer électrique, comme dans nos phares, on a pris 48 foyers, d’une égale intensité, que l’on a disposés à trois hauteurs différentes. Cette source lumineuse totale représente 3000 ampères.

La différence de couleur des feux n’est pas produite par des foyers différents : c’est tout simplement un mécanisme d’horlogerie, qui fait tourner devant la source lumineuse une série de plaques de verre diversement colorées, lesquelles, par leur succession et leur interposition, produisent la variation des couleurs. C’est, d’ailleurs, le moyen employé dans les phares de nos côtes pour diversifier les feux qui signalent aux navigateurs l’entrée des ports.

C’est ainsi que, chaque nuit, le phare de la tour Eiffel promenait ses feux colorés aux divers points de l’horizon.

Ajoutons que son rayon de projection était trop grand pour que les feux fussent aperçus du Champ de Mars. On ne pouvait les voir que d’une distance de 1 500 mètres, c’est-à-dire des Champs-Elysées, des Invalides ou de la place de la Concorde.

Le phare proprement dit, que nous représentons sur la figure 464, est constitué par deux systèmes superposés d’éléments optiques, comprenant : 1° un système de verres dioptriques, ou tambour (réfracteur simple), destiné à porter la lumière à grande distance. La divergence des rayons est due aux dimensions de la source lumineuse obtenue par un arc voltaïque de 5 500 carcels ; 2° un système d’éléments catadioptriques, ou à réflexion totale. Les éléments ont été calculés pour éclairer les abords de la tour, de 1 500 mètres jusqu’à l’horizon, dans un angle de 11°,5.

Le tambour dioptrique supérieur multiplie la lumière par 13, et la fait passer de 5 500 carcels à 70 000. L’anneau catadioptrique partie inférieure de l’appareil optique, la multiplie dans des proportions moindres, mais suffisantes.

La lumière qu’envoient ces anneaux de verre taillé, superposés, est graduée suivant la distance, et augmente à mesure que l’on s’éloigne de l’axe de la tour. L’intensité visible à Paris dans les éclats est de 24 146 carcels à 1 503 mètres de la tour ; elle est de 64 474 carcels, à 1 850 mètres, de 86 711 carcels à 2 194 mètres, de 99 283 carcels à 2 500 mètres. À 4 120 mètres, le tambour mobile commence à faire sentir ses effets : son intensité est de 63 398 carcels dans le feu fixe, et de 516 761 carcels dans les éclats.

Les projecteurs (système Mangin), au nombre de deux, ont été construits par MM. Sautter et Lemonnier. Ils ont 0m,90 de diamètre, et sont formés d’un miroir aplanétique. Le foyer lumineux, placé très près du miroir, est une lampe électrique à arc, de même intensité que celle du phare. Les charbons de cette lampe sont inclinés à 45 degrés. Le projecteur, monté sur un socle, se meut dans tous les sens, à l’aide de deux volants, que l’on manœuvre à la main. L’intensité moyenne du rayon lumineux est de 6 à 8 millions de becs Carcel.

Il a été possible, avec de bonnes lunettes, d’éclairer les objets à 11 kilomètres. On peut éclairer de haut en bas des objets très rapprochés, jusqu’à 275 mètres du pied de la tour.

La portée du phare en ligne droite étant de 203 kilomètres, on peut le voir de très loin quand on est sur un lieu élevé.

Il paraît que le phare de la tour Eiffel a été vu à Bar-sur-Aube, qui est à 190 kilomètres de Paris. L’observateur était sur une colline de 300 mètres d’altitude. Il a encore été vu du haut de la cathédrale de Chartres, à 75 kilomètres de Paris, et du haut de la cathédrale d’Orléans, à 115 kilomètres. À ces grandes distances, on le voit comme un point lumineux.