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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/627

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Outre les feux colorés produits par les verres tournants, on sait que le phare de la tour Eiffel projette circulairement d’énormes faisceaux de lumière blanche. Ces projections sont opérées par le même appareil qui sert, à bord de nos navires cuirassés, à scruter l’horizon, et à éclairer puissamment un point quelconque de la mer ou du rivage, particulièrement quand il s’agit de reconnaître la présence d’un bateau-torpilleur. Les projecteurs électriques servaient à lancer des gerbes lumineuses qui venaient frapper Paris et ses environs, jusqu’à une distance de 8 à 10 kilomètres.

On voit sur la figure 465, l’installation des projecteurs sur la terrasse de la deuxième plate-forme.

La partie extrême de la tour est une petite terrasse surmontant le phare, et qui se trouve juste à 300 mètres de hauteur. De là part le drapeau, aux couleurs françaises, qui décore triomphalement le monument dû au génie de notre nation.

On arrive du campanile à la terrasse terminale par un petit escalier tournant, placé dans un véritable tuyau métallique, qui n’a que 80 centimètres de diamètre.

Ce sont de simples échelons de fer, ne donnant passage qu’à une seule personne à la fois. C’est par là que M. Eiffel, le 31 mars 1889, à 2 heures 40 minutes, alla hisser le drapeau annonçant le moment de la terminaison de l’entreprise.

Beaucoup de personnes s’imaginent que la hampe qui supporte le drapeau est un paratonnerre. C’est une erreur. La tour Eiffel n’a pas besoin de paratonnerre. Elle est elle-même le plus beau des paratonnerres connus, et elle protège un espace considérable dans son rayon. Cette énorme masse métallique est, en effet, mise en communication constante avec la couche aquifère du sol du Champ de Mars, par des conducteurs métalliques spéciaux, enfouis sous chaque pilier. La conductibilité de cet immense paratonnerre est ainsi suffisamment assurée.

C’est dans la terrasse terminale surmontant le drapeau, que l’on a pu s’assurer, par des observations directes, d’un fait que l’on avait souvent discuté à l’avance, sans avoir aucune autre base que le calcul, à savoir les oscillations que la tour pourrait éprouver par l’effet du vent. On avait calculé qu’au sommet, ces oscillations ne dépasseraient pas 10 centimètres. Les observations faites jusqu’à ce jour, par les plus grands vents qui aient pu survenir, ont confirmé cette prévision du calcul. On peut donc être assuré que la tour, dans les conditions ordinaires de l’atmosphère, sera aussi inébranlable qu’un roc, et cela de sa base au sommet.

Il est intéressant de savoir que la tour de 300 mètres, qui pèse 6 500 tonnes, aurait pu avoir un poids deux fois moindre, s’il n’avait pas fallu tenir compte du vent. Avec 3 000 tonnes de fer elle suffisait aux exigences de sa propre stabilité ; mais on aurait couru le risque de voir la tour tout entière, un jour de bourrasque, s’abattre sur le Champ de Mars. Les violences et les surprises du vent imposent à tous ceux qui bâtissent une excessive prudence. On sait, en effet, ce qui s’est passé en 1884 à l’embouchure de la Tay en Écosse. Un pont de tôle traversait ce bras de mer. Des milliers de trains l’avaient franchi impunément ; mais une nuit la tempête sévit avec tant de fureur que le vent emporta le pont, avec un train de chemin de fer qui le traversait et qu’on n’a plus revu.

Il faut donc que toute construction soit plus forte que le vent. M. Eiffel a voulu prévoir, comme possibles, des cyclones que nos latitudes n’ont jamais connus. Si une de ces terribles trombes vient jamais à se produire, il y aura à Paris bien des ruines,