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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/654

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une certaine netteté, — et des appareils transmetteurs, composés d’un tube en caoutchouc, se divisant à son extrémité en deux branches, munies d’ampoules de verre, que l’auditeur introduisait dans ses oreilles. Des groupes de visiteurs assis autour de la table ; d’autres groupes, debout entre des barrières, attendaient leur tour, pour aller entendre le phonographe s’exprimer dans tous les dialectes connus.

Lorsqu’on voulait parler dans le phonographe, on revêtait d’un manchon de cire, le cylindre métallique qui glisse sur une rainure graduée ; on fixait un petit cornet acoustique sur le diaphragme, membrane de métal très peu épaisse, mise en mouvement par un mécanisme très simple, qu’actionnait une pile électrique. On mettait l’appareil en action ; le manchon tournait rapidement ; la membrane, impressionnée par les sons, vibrait, et l’aiguille dont elle est munie à sa partie inférieure, traçait sur la cire des séries de points et de traits imperceptibles.

Quand, au contraire, on désirait recueillir les sons émis à distance par plusieurs personnes, des chanteurs ou des instrumentistes, on employait, non plus un cornet acoustique, mais un entonnoir, proportionné à la masse des sons à emmagasiner, et le tube en caoutchouc dont nous avons parlé servait de transmetteur entre le phonographe et l’auditeur.

On plaçait sur le cylindre métallique un des manchons de cire qui avait enregistré les sons : l’appareil était mis en mouvement, et l’aiguille, repassant dans les trous et les traits tracés sur le manchon au fur et à mesure de la réception des sons, les transmettait au diaphragme, qui les répercutait. C’était l’opération inverse de la précédente, et l’appareil répétait le phonogramme autant de fois qu’on le désirait.

Passons aux applications dont le nouveau phonographe serait susceptible, selon l’inventeur, qui énonçait les propositions suivantes, dans une communication adressée, en juin 1889, à l’Académie des sciences de Paris :

1° On peut dicter la correspondance et la faire transcrire à loisir par un employé ne sachant qu’écrire et épeler correctement ; on peut la faire transcrire par le typographe, ou la faire imprimer directement, ce qui a déjà été fait en Angleterre et en Amérique.

2° On peut transmettre sa voix par la poste, au moyen du phonogramme. La voix de celui qui parle s’entend avec ses propres inflexions.

3° Les hommes d’État, les avocats, les prédicateurs et orateurs, peuvent étudier leurs discours, ayant l’avantage inappréciable d’enregistrer leurs idées au fur et à mesure qu’elles se présentent, avec une rapidité que l’articulation seule peut égaler. Ils peuvent surtout s’entendre parler, comme les autres les entendent. Les acteurs, les chanteurs, peuvent répéter leurs rôles, et sont en mesure de corriger eux-mêmes leur articulation et leur prononciation.

Les journalistes peuvent parler, au lieu d’écrire, leurs articles, qui peuvent être imprimés directement. La voix des hommes célèbres peut être conservée à l’infini, aussi bien que les derniers adieux d’un mourant, ou les paroles d’un parent que l’on aime.

Grâce aux perfectionnements qui lui ont été apportés, le phonographe reproduit fidèlement la voix humaine, prononce nettement les diphtongues les plus difficiles, répète tous les bruits, même la musique d’un orchestre.

Nous avons entendu, à l’Exposition, des romances qui avaient été chantées plusieurs semaines auparavant dans l’atelier d’Edison, et la voix de la cantatrice, ainsi emmaga-