Page:Fischbach, Le siège et le bombardement de Strasbourg, 1870.djvu/40

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l’ennemi, et il fallut en décider le sacrifice. Des détachements de la garnison sortirent le 18, de grand matin, pour incendier les bâtiments que les nécessités de la défense venaient de condamner, et ils eurent tout d’abord à essuyer le feu de l’ennemi, qui n’entendait pas que l’opération se fit commodément. Un engagement de tirailleurs eut lieu durant près de deux heures entre les Français et les assiégeants, et pendant ce temps le feu était mis aux établissements désignés. Des brasseries, des malteries, de belles maisons de campagne, d’énormes hangars se trouvèrent bientôt en flammes.

De longues années de travail, des industries florissantes, des millions étaient anéantis.

Le cimetière Sainte-Hélène, situé à l’entrée de Schiltigheim, dut subir aussi des mutilations. Les morts même ne pouvaient être respectés ! Les sombres allées de sapins qui entrecoupaient ce cimetière, les peupliers qui l’entouraient, les grands saules qui ombrageaient les tombes furent abattus par la hache, et les pierres tumulaires seules restèrent debout, mais nues et privées de cette obscurité mystérieuse dont les branchages les couvraient.

Le fossoyeur du cimetière, le père Geiss, rentra tristement en ville, abandonnant sa maisonnette et n’emportant que ses registres d’inhumation. Il avait planté contre sa demeure une treille qui était devenue célèbre à Strasbourg. Presque chaque année elle portait des raisins en quantité si énorme qu’on allait la visiter avec grand empressement, et le fossoyeur était tout heureux de la célébrité acquise par sa treille. C’est la première fois cette année qu’on n’est pas allé admirer les raisins du père Geiss.