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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/101

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pour y recevoir la pluie étoilée de son esprit, car elle imaginait que Monseigneur ne brillait ainsi que pour elle. Il parlait de Venise et de Rome, des princes, des prélats, des ministres, de Sa Sainteté, des Jésuites et de galanterie. De temps à autre, il attachait les yeux sur Raton, ce qui lui fit penser que M. le Duc avait daigné l’entretenir de sa vocation. Cependant, elle n’osait croire qu’elle fût destinée à Monseigneur, non qu’il lui parût d’un rang trop élevé, puisque M. le Duc s’était bien épris d’une pauvre Raton, mais parce qu’elle s’était contrainte à se le figurer dépourvu de séduction, et que tout en lui, malgré son âge et son état, n’était qu’amorce, grâce et complaisance. Ses mains, surtout, captaient les regards. Raton les suivait dans leur vol léger, quand Monseigneur parlait en agitant sans excès l’une ou l’autre. Elles élevaient le Corps du Divin Maître, ces mains ; elles bénissaient, elles consacraient, et Raton les eût baisées avec transport. De tous les hôtes, elle ne distinguait que Monseigneur, elle n’entendait que Monseigneur. Il est vrai qu’il ne quittait guère la parole qu’il s’était donnée et que personne ne songeait à lui reprendre.

— Mon enfant, dit M. le Duc qui, après le repas, rejoignit Raton dans la chambre de sa maîtresse, j’ai parlé de toi à Son Excellence M. de Bernis. Demain, tu prendras un fiacre pour lui porter ce pli de ma part, et