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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/100

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Raton s’était doublement félicitée de se soustraire à la rapacité de Poitou en perdant M. le Duc, et de passer aux mains de cet homme d’Église qui gagnait sans doute le Ciel par le commerce de la chair. Pour lui comme pour elle, ce ne devait être qu’une pénitence. Elle se voyait avec lui en prières d’actions de grâces, avant et après l’étreinte, et cet embrassement lui inspirait à l’avance moins d’aversion que celui de son maître ou de M. Poitou. Mais elle se reprit de cette pensée comme d’une faute, ne devant aspirer qu’à la peine. Elle souhaita donc que son futur bienfaiteur eût la jaunisse de M. le Duc, l’haleine et l’œil vairon de M. Poitou, et, enfin, le poil rousseau de M. Grand-Jean.

Raton fut bien surprise lorsque, faisant le service de la desserte, elle se sentit remarquée par un convive à qui l’on donnait tantôt du Monseigneur et tantôt de l’Éminence ou de l’Excellence. Son vêtement ecclésiastique s’ornait du cordon bleu et de sa croix du Saint-Esprit. Avec un fonds de grandeur, il montrait assez de vivacité et d’enjouement. Pourtant, le feu de son discours n’en était pas moins discret. Il ressemblait à celui de ces pièces d’artifice qui retombent avec tant de mollesse et de mélancolie qu’on souhaiterait les recueillir dans le creux de la main. Mme la Duchesse, elle, tendait vers Monseigneur une gorge décolletée à l’extrême, comme