Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/106

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elle ne trouva plus d’obstacle à sa ferveur et put adorer la Croix comme les autres pèlerins. Elle fit pénitence dans le désert et s’y nourrit de trois pains qui devaient être fort grands puisqu’ils durèrent plusieurs années.

— Monseigneur, bénissez-moi comme Marie ! s’écria Raton en se jetant aux pieds de M. de Bernis, un genou en terre, tête basse, les cheveux répandus et les mains croisées sur sa gorge rebondie.

— Oui, je te bénis, tendre Raton ! s’écria Monseigneur qui imposa seulement sa main sur la tête et la baisa dans les cheveux.

Il resta quelque temps ainsi, ne pouvant détacher son regard du spectacle voluptueux que lui offraient les miroirs : la belle croupe de Raton que les feux du désert n’avaient point hâlée et qui aurait tenté la vertu de Zozime.

— Oh ! fit Raton, quand Monseigneur l’attira contre lui, à présent je suis bien heureuse !

Elle leva ses yeux célestes tout noyés de délices, arrosa de larmes la main qui l’avait bénie et l’appuya passionnément contre sa gorge. Puis, dans un plus grand élan, elle se jeta au cou de Monseigneur et lui donna sur la bouche le premier baiser qu’elle eût donné de sa vie.

— Mon enfant, mon enfant, soupira M. de Bernis,