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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/105

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Monseigneur prit place à côté d’elle et la tint pressée contre lui. Une glace lui renvoyait le reflet d’un dos marqué de fossettes et partagé par une ligne ondoyante et profonde.

— Tu ne veux donc pas me parler ? fit-il après un instant. Je ne connais encore de ta voix que des soupirs.

— Monseigneur, dit Raton, je pensais que nous prierions ensemble. Je vous aimerais en Dieu bien davantage.

— Ne mélangeons rien, dit Monseigneur. Quoi, tu croirais vraiment ? C’est un cas bien singulier que le tien ! Il rappelle celui de Marie l’Égyptienne qui supplia Zozime de la bénir. Cet abbé, parcourant le désert, aperçut Marie toute nue, mais tannée par le soleil, pouilleuse et décharnée. Elle conta donc à Zozime qu’après avoir vendu son corps pendant dix-sept ans, elle voulut se joindre à des pèlerins d’Alexandrie qui s’embarquaient pour Jérusalem afin d’y adorer la Sainte-Croix. Comme elle ne possédait pas d’argent, elle promit aux matelots de les payer de son corps. Mais voici qu’à Jérusalem elle ne put entrer dans l’église qu’en jurant à la Vierge de vivre désormais dans la chasteté. Jusque-là, une force invincible la repoussait du temple ; dès qu’elle eut obtenu son pardon,