Aller au contenu

Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me rappeler que j’ai bien voulu lui dire quelques mots obligeants qui l’ont profondément ému quand il chanta devant la Reine. Raton, l’on fera monter cette personne. Tu voudras bien rester ici en m’attendant. J’ai besoin de m’entretenir avec M. le Chevalier, que j’ai à peine eu le temps de voir… Mais tu ne manqueras pas de gratter à la porte pour me prévenir de sa présence.

L’abbé Lapin ne tarda guère.

Introduit par Poitou, dont la figure était truffée de bleus et fleurie d’écorchures, il jeta de tous côtés des regards inquisiteurs, et quand ils se rencontrèrent avec ceux de Poitou qui refermait la porte en prenant son temps, on aurait pu deviner à leur escrime que ces deux mauvais garçons se reconnaissaient capables des pires choses et se craignaient mutuellement.

L’abbé Lapin était un petit homme quinquagénaire à la tête chafouine et porteur de bésicles. Il n’avait plus dans la bouche que des chicots, et semblait contenir dans son cou toute une provision de cordes de guitare, tant les veines et les muscles en étaient tendus et décharnés. Une queue de rat, pareille au dard d’un scorpion, se relevait derrière sa tête grisonne. Il s’approcha tout de suite de Raton qui venait de frapper à la porte de sa maîtresse et le priait d’attendre. Mais, avant qu’elle eût achevé son petit discours :