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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/151

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s’emparer de l’argent que Raton recelait dans son corsage. Raton se défendait de son mieux. Mais enfin, la grosse patte de M. Poitou était allée pêcher le petit magot, sans qu’il fût question de partage. Il ne lui avait pas même laissé le rosaire. Quelle chose incroyable que la contenance de cette main !… Survint alors M. Grand-Jean. Depuis un instant, il montrait sa tête dans l’entre-bâillement de la porte. Il s’était jeté sur M. Poitou, qui l’avait pris aux cheveux. Sans qu’on entendît d’autre bruit que celui des poings de M. Grand-Jean contre la mâchoire de M. Poitou, ç’avait été une lutte ignoble, à laquelle Raton ne voulut pas assister. Ramassant ses cottes, elle avait grimpé l’escalier, en enjambant plusieurs marches à la fois. Plus de cinquante coups de pénitence pour abreuver ou M. Grand-Jean ou M. Poitou, et peut-être tous les deux, à moins que ce ne fût M. Petit-Louis qui ne s’était pas encore montré : Raton en méditait avec amertume. Elle regardait, elle aussi, la pointe de ses souliers, tout comme M. l’abbé Lapin. Poussant un grand soupir et levant les yeux vers le portrait de M. le Duc, elle vit son Divin Maître lui sourire. Elle s’y vit elle-même dans un fond qui représentait une rue de Paris, sans doute la rue Saint-Sauveur. M. l’abbé Lapin l’accompagnait en jouant de la guitare. Il marchait les jambes en cerceau. Sa queue de rat frétillait