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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/159

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rejoindre derrière la grille les religieuses qui louaient Dieu si paisiblement et dont elle aurait voulu distinguer les visages.

Mme la Duchesse qui sortait d’un long assoupissement la regardait du coin d’un œil encore trouble compter sur ses doigts en tapotant la tablette de son prie-Dieu. Elle lui donna sur la main un petit coup d’éventail, afin de la tirer de distraction et l’engager de prier pour le fémur ou le bassin de sa bonne nourrice, avant l’Ite missa est qui n’était pas loin. Raton pris honte de ses calculs, qui lui venaient, pour son excuse, d’une longue hérédité normande, et elle reporta ses yeux sur le tableau de M. Le Brun. Elle n’y vit pas son Divin Maître. Mais il lui sembla que la Madeleine lui souriait en détournant son visage du Ciel. Marie l’Égyptienne, elle, levait les yeux de sa tête de mort et regardait Raton d’un air mutin. Elle comprit que les deux saintes se donnaient pour ses patronnes et lui disaient à bientôt, chez les filles du Seigneur.

Les adieux de Raton et de Mme la Duchesse, à l’instant que l’on se levait de table, furent précipités, et M. le Duc parut satisfait de ce départ qu’il eût souhaité définitif. Raton partit sans autre bagage que sa Bible de Royaumont ; mais elle emportait en viatique le petit magot