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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/166

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de ton histoire n’est qu’une légende. Cependant, tu prétends bien entrer au Carmel ? Tu ne vas pas dire le contraire à Mme Gourdan et me faire tort en m’enlevant mon petit avantage ?

— Je ne saurais vous faire de tort, Monsieur l’Abbé, reprit Raton parmi ses larmes, car je n’ai pas à dire le contraire. Mais pourquoi me parler de M. le Lieutenant de Police ? Je ne ferai pas plus de mal ici que chez Mme la Duchesse, je suppose ?

L’abbé resta songeur, étonné de tant d’innocence. Il caressait avec perplexité le bois de sa guitare. À plusieurs reprises il eut l’air de vouloir parler, mais la question lui coûtait. Il dit enfin, frappant brusquement les cordes qui rendirent un son plaintif :

— Tu crois vraiment en Dieu ?

— Oh oui, Monsieur l’Abbé !… gémit la pauvre Raton en joignant les mains. Oh oui ! car je l’ai déjà vu plusieurs fois…

— Pardon, mon enfant ! fit l’abbé qui posa sa guitare sur la table, se pencha au bord de sa chaise et prit les mains de Raton dans les siennes. Pardon, mon enfant ! Je te traitais en aventurière, mais ta sainteté est éclatante. Le misérable qui voudrait tomber à tes pieds, elle l’illumine comme la foudre éclaire un antre ténébreux où pourrit un amas sordide de branches mortes et