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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/165

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t’enlever sans demander d’adresse. Avec les filles de ton âge, il faut prendre de ces précautions. L’on a souvent maille à partir avec l’un ou l’autre, et Mgr le Lieutenant de Police… Bah ! au fond, tu n’as rien à craindre. La réserve sera recommandée aux amateurs. Tu comprends, une fille de Dieu… Quelle idée tu as eue là : tu es très intelligente, mon enfant…

L’abbé se versa un rouge-bord, qu’il vida d’un trait. Il claqua la langue, fit virevolter sa guitare, la reposa sur son genou et reprit :

— Quel âge as-tu, au juste ?

— J’aurai bientôt dix-huit ans, Monsieur l’Abbé ?

— Hum !… Enfin, l’on dira que tu en as vingt ! Et puis, l’habit de religieuse te vieillira un peu. Il y a tout ce qu’il faut ici. Tu as bien fait de ne pas l’apporter.

— Mais je n’ai pas d’habit de religieuse ! s’écria Raton en versant des larmes soudaines, car elle revivait à ces mots l’abominable scène de M. Peixotte. Je n’en ai pas ! sanglota-t-elle. Je n’en veux pas mettre !… Je ne veux pas profaner le saint habit du Carmel ! J’aime mieux retourner chez Mme la Duchesse, où j’étais battue et volée par M. Poitou !…

— Je ne comprends plus, dit l’abbé. Ou bien alors, on raconte tant de choses que la partie la plus piquante