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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/169

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d’ordures, où rampent des reptiles, où se tapissent des bêtes répugnantes… Hélas ! j’ai fermé mon cœur à la lumière d’En-Haut, et je ne suis plus habité que par des vices. Les vertes espérances de ma jeunesse ne sont que des souches noires et desséchées. Mais bien que je sois tombé dans l’abjection, que mon pied ne soit pas demeuré ferme dans la voie droite, que j’aie connu la paille et les fers des cachots, que j’aie trop souvent renié et blasphémé Dieu, je suis prêtre. Je serai toujours prêtre. Tu es sacerdos in aeternum !… Aussi, je te bénis, Raton. Je t’absous devant Dieu et devant les hommes. Indulgentiam, absolutionem et remissionem peccatorum tuorum tribuat tibi omnipotens Deus. Quoi ? Quel est mon égarement ! Dieu te protège et t’inspire : c’est à toi de me bénir et de prier pour le rachat d’une âme déchue !…

— Complètement ivre ! fit M. Gomez, qui nettoyait une toile en silence. À toi tout seul, l’Abbé, tu as bu quatre bouteilles de mon Frontignan. J’en demanderai une indemnité à la « Petite Comtesse ».

Mais l’abbé ne répondit pas. Le front dans ses mains, les coudes aux genoux, courbé devant Raton, il pleurait à chaudes larmes. Raton lui caressait l’épaule en silence, prise d’une grande pitié pour le prêtre qui s’humiliait devant elle et lui découvrait son cœur pantelant.