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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/170

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« Quel changement ! pensa Raton. Est-ce bien le même homme qui parlait chez Mme la Duchesse, et qui lui prit son éventail avec l’adresse d’un physicien ou d’un tire-laine ? » Et elle se rappela les masques de satin qui l’avaient si fort intriguée lorsqu’elle cherchait des rubans feu pour sa maîtresse.

— Il ne faut pas y faire attention, Mademoiselle Raton, reprit M. Gomez. Chaque fois qu’il a trop bu, il chante les vêpres ou reparle de sa prêtrise. Cela ne l’empêche pas de détourner les filles et de toucher sa bonne-main. Quelle comédie !… Mais, voyez-vous, j’ai toujours peur qu’il ne consacre mon vin…

— Tais-toi, Gomez ! souffla l’abbé Lapin après une pause pendant laquelle il avait avalé ses larmes. N’insulte pas à mon repentir, à ma douleur ! Je ne t’accable pas de tes faux tableaux, non plus que des statuettes égyptiennes que tu vendis à M. le Comte de Caylus, ces statuettes qui fondirent comme du sucre dans le bain qu’il leur fit prendre pour les décrasser de la poudre des millénaires. Elle n’était, à vrai dire, que le sable de ta cave, mêlé à de la cendre de lessive.

M. le Comte est mort voici huit ou neuf ans, fit M. Gomez. Il se soucie des fouilles de Memphis autant que de celles d’Herculanum, c’est-à-dire comme des vers qui ont rongé son épaisse carcasse.