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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/171

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L’abbé eût sans doute riposté si un vieux galantin n’était entré dans la boutique, sans saluer personne autrement qu’en touchant le bord de son chapeau brodé, il alla d’une toile à l’autre, en retourna quelques-unes qui s’entassaient contre le mur et se promena le nez en l’air, sa canne derrière le dos. M. Gomez quitta son travail et lui parla dans l’oreille. Sur un grognement d’intérêt du visiteur, il tira de sa robe de chambre un petit éventail qu’il déploya avec des précautions infinies.

— Combien ? fit le vert-galant, visiblement intéressé.

— Je n’ai qu’un prix pour un Fragonard, répondit à mi-voix M. Gomez. Quinze cents livres… Je ne vendrais pas plus cher un tableau, car ces objets sont recherchés : le peintre n’en fait pas beaucoup. Enfin, la monture est de Le Flamand, l’ivoirier dieppois. C’est un rien avec quoi l’on s’attache une petite maîtresse, continua M. Gomez, pendant que l’amateur examinait l’éventail à la loupe, sur le seuil de la porte ouverte.

M. Gomez jetait de temps à autre un regard prudent dans la rue. Enfin, le chaland lui versa le prix de son emplette, en déchirant une cartouche de louis. M. Gomez reçut les pièces d’or dans les mains qu’il tendait comme un assoiffé devant une fontaine, et l’on eût pu craindre qu’il ne les bût véritablement.

— Je te dois mille livres, l’Abbé, dit M. Gomez,