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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/174

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haquenée. J’en eusse retiré de quoi manger et me vêtir. Peut-être même l’eussé-je bu. Je répondrai que je n’ai pas le choix des divertissements, et que le tort que j’ai causé n’est pas en rapport avec le plus grand plaisir qu’un pauvre puisse rencontrer et que Notre-Seigneur ne condamne point. N’a-t-il pas mué l’eau en vin ? Même il l’a multiplié, ce vin. Et qui plus est, il l’a consacré à son culte, comme la chose la plus généreuse, celle qui nous donne un avant-goût du Ciel : Buvez, ceci est Mon Sang ! Les fidèles de la primitive Église s’enivraient dans les festins solennels pour célébrer la mémoire des Martyrs. Parlerai-je du pape Boniface, qui institua des indulgences pour ceux qui boiraient après grâces, et de cet autre pontife, né d’une mère de la noble maison de Carafe, l’illustre Pignatelli, dis-je, dont le nom signifie petit-pot ?… Mais quoi ! porter trois cruchons dans ses armes et condamner le quiétisme, voilà ce que je ne puis comprendre !…

» Néanmoins je me priverai du plaisir de boire, Raton, pour alléger des fautes qui me pèsent, et faire ce que j’eusse voulu que l’on me fît quand j’étais jeune et fervent à ton image.

— L’Abbé, dit l’hôte en débouchant la bouteille, tu es un rare sophiste. Je ne sais ce qu’il adviendrait des Républiques si l’on mettait ta morale en action, ou