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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/177

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toucheras davantage Notre-Seigneur, et aussi beaucoup d’argent.

— J’y songeais ce matin, durant la messe, fit Raton. Mais je veux être sûre que rien ne m’obligera à revêtir la robe du Carmel.

— C’est entendu, dit l’abbé. J’en fais mon affaire. Je comprends que le sacrilège te répugne ; et si je t’en parlai au début de notre entretien, c’est que je ne te connaissais pas encore pour une sainte, et que tu n’avais pas réveillé la foi qui dormait en un cœur où je ne descendais plus. Ceci est presque un vers. Il me rappelle le temps où je n’écrivais pas seulement des gaudrioles dans la langue des laquais. À présent je me dois prostituer devant les sots. J’aime à croire que l’Ancien des Jours tiendra compte au vieux comédien de l’admiration offensante du vulgaire, qui est la plus cruelle des risées, comme des coups de pied au cul dont les Grands me font parfois honneur. Ordinairement, je me contente de l’une et de l’autre chose, que je provoque en riant, puisque rire est mon métier. Seigneur, accordez-moi la grâce de rire et de faire rire, et je vous louerai dans le Ciel : Confitebor tibi in cithara Deus ! Dans le ciel où vous accueillerez le baladin joueur de guitare et son amie la prostituée Raton.

Amen sela ! fit l’hôte dans sa langue hébraïque.