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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/185

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— Voilà bien des noms ! fit la Gourdan. Ça me rappelle Nina l’Andalouse…

— On ne s’en pourrait lasser ! reprit l’abbé avec adoration. Ces noms si doux, si suaves, si limpides, sont comme les gouttes d’une eau de Jouvence qui me tomberaient dans le cœur et le laveraient de sa crasse immonde. Je me revois à vingt ans : j’étais pur…

— Si tu en prenais un bain, interrompit la Gourdan, cela serait peut-être visible pour les autres… Du moins tu ne puotterais pas le marcassin…

Mais l’abbé se passa la main sur le front. Il reprit, après un silence où l’on entendait ses sanglots étouffés mêlés à ceux de Raton qui pleurait par sympathie dans son mouchoir.

— Son amant ! Quoi ! serais-je assez noir, assez indigne pour salir une fille que je vénère, ma sœur en Jésus-Christ ?… Ô sainte Raton ! s’écria-t-il en tombant à genoux et en laissant choir sa guitare qui résonna longuement comme un luth sous le doigt d’un séraphin, ô sainte Raton ! je baise tes pieds que Notre-Seigneur a façonnés pour qu’ils m’apportassent la Lumière ! N’es-tu pas le flambeau qui m’illumine dans les ténèbres ?…

— Allons, Lapin ! dit la Gourdan, qui fit glisser Raton sur le tapis, deviens-tu fou ?… Oust, debout !… Quitte ce ton et ces manières. Aussi bien n’est-ce pas le lieu…