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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/186

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Les filles s’étaient rapprochées. Elles écoutaient curieusement l’abbé sans songer à rire, et elles regardaient Raton essuyer ses larmes d’un geste emprunté. Les mots de sainte et de Notre-Seigneur suscitaient en elles des souvenirs qui plongeaient des racines dans leur enfance et balançaient des fleurs fanées aux parfums doux-amers.

L’abbé ramassa sa guitare, se mit sur pied, puis, montrant un visage barbouillé de larmes et de tabac :

— Mère, je ne suis pas plus fou que je ne suis ivre. Quand donc pourrez-vous comprendre, vous autres qui avez des yeux et ne voyez point, des oreilles et n’entendez point, qu’un être qui laisse parler tout haut son cœur n’est pas plus à mettre aux Petites-Maisons qu’à envoyer coucher dans la litière en compagnie des palefreniers ?

— Joli concert, dit la Gourdan, si tous les cœurs se mettaient à parler !

— Ce qui dépasse vos frivolités d’un moment, reprit l’abbé, ou n’épouse pas vos turpitudes journalières n’est qu’infatuation, déraison, folie. Ah ! pauvre Raton, qui te veux rendre au couvent en passant par le bordel, qui n’as pas même trempé tes lèvres dans le Frontignan du vieux coquin, tu es folle ou tu es ivre, toi aussi, et peut-être les deux ensemble ? Mais dois-je te laisser en butte à