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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/213

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surtout après Rosbach, où nous avons eu notre compte. J’en suis tombée d’un caisson, et je boite depuis ce temps-là. C’est un nom que j’ai retenu, Rosbach ! Oui, par ma pauvre garce de mère !…

Malgré sa préférence pour les bruns et les visages glabres, la Boiteuse sentit s’accroître sa tendresse : une fille aimée de Dieu ! et elle se promit de tout faire afin de se rapprocher d’elle, qui conjurait peut-être le mauvais sort, qui intercéderait pour elle, qui deviendrait une sainte du calendrier. Elle en conçut sur-le-champ une foi inébranlable qui ne consistait encore que dans le ferme dessein de se procurer un chapelet et des médailles bénites. Aussi ne fut-elle pas médiocrement fière quand, après avoir attifé et revêtu Raton de ses propres mains du tricot des Sylphides, elle parut au salon en l’enlaçant étroitement.

— Et vous savez, dit-elle tout bas à quelques-unes de ses compagnes qui formaient un groupe chuchotant, elle voit Dieu, qu’elle appelle son Divin Maître, même qu’elle y prend son plaisir… C’est un beau blond, qu’elle dit, comme il n’y en a pas, et comme il n’y a pas de bruns…

Une telle confidence se répandit sans retard, et l’on envia la Boiteuse que l’on avait méprisée, encore que chacune la sût bonne et de commerce agréable. Quant à