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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/230

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cadeau d’un louis qu’il était accoutumé de donner aux filles, la priant de le joindre au petit magot d’environ trois mille livres qu’elle avait pu soustraire à la rapacité de M. Poitou, et qui s’augmentait de jour en jour.

La gentille Boiteuse l’aidait de tout son corps, ne gardant rien pour soi, car elle avait renoncé à l’entretien d’un amant ; elle vivait sans autre prévoyance que celle du terme fatal qui mettrait fin à sa tendresse et que pourtant elle hâtait de son dévouement. C’était le seul chagrin de Nicole, quand elle contemplait cette enfant charmante endormie contre sa gorge d’une abondance si exagérément maternelle, cet Ange égaré ici-bas, qui souriait en rêve à ses frères célestes, un chapelet à la main.

Enfin, plusieurs fois déjà, l’on avait dû casser la tirelire du salon, que l’on nommait la grenade, encore qu’elle eût la figure d’une pomme, parce qu’elle était presque aussi garnie de pièces et de piécettes que le fruit oriental le peut être de pépins.

— Qu’as-tu de nouveau, Comtesse ? demandaient les habitués.

La Gourdan, après avoir averti ses filles de se rendre chacune en son boudoir, ouvrait le Livre des Beautés, gros in-folio de maroquin doré sur tranches et contenant le portrait moral et physique de chaque courtisane. On