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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/265

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faite n’est que temporaire. Il veut par là t’exciter à un plus grand amour et te soumettre à l’épreuve qui dispose à l’union extatique, mais souviens-toi que l’amour de Dieu te sera toujours un mélange de suavité et de douleur. Saint François de Sales en a laissé un tableau charmant qu’il me plaît de te retracer.

« Les grenades, dit-il, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains bien serrez et rangez, et par leurs belles couronnes, représentent naïfevement la très-saincte charité toute vermeille, à cause de son ardeur envers Dieu, comblée de toute la variété des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des récompenses éternelles. Mais le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agréable aux sains et aux malades, est tellement meslé d’aigreur et de douceur, qu’on ne sçauroit distinguer s’il resjouyt le goust, ou bien parce qu’il a son aigreur doucette, ou bien parce qu’il a une douceur aigrette. Certes, Théotime, l’amour est ainsi aigre-doux, et tandis que nous sommes en ce monde, il n’a jamais une douceur parfaitement douce, parce qu’il n’est pas parfait, ny jamais purement assouvy et satisfait ; et néantmoins il ne laisse pas d’estre grandement agréable, son aigreur affinant la suavité de sa douceur, comme sa douceur aiguise la grace de son aigreur. »

« Quant à l’union dont je te parlais, reprit l’abbé,