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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/283

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mes filles Agnès et Marion. Fortunate Senex !… Mais, ô Dieu ! pourquoi nous avoir acheminés l’un vers l’autre par les voies de l’inceste ? Peut-être même, au contraire, en ressentirons-nous plus de tendresse dans nos rapports ?… Embrasse-moi, ô ma fille, ô mon sang ! je vais de ce pas m’occuper de ta nouvelle condition, mettre ordre à mes affaires, et consigner longuement, sur une main de papier frais, la grâce inopinée que le Ciel nous envoie ! À demain, à demain ! dès que tu entendras tintinnabuler les canes de cuivre des laitières…

— Ô mon père ! cria Raton en tendant vers M. Nicolas des bras impuissants à le retenir, ô mon père ! parlez encore, ne vous en allez pas !…

Mais M. Nicolas s’enfuit comme une ombre.

Raton le poursuivit en boitillant. De guerre lasse, elle se réfugia dans le salon où folâtraient ses compagnes, tandis que la Mère et l’abbé Lapin jouaient paisiblement au reversi. À son entrée, l’attention se fixa sur elle, et la stupeur se peignit sur tous les visages.

— J’avais retrouvé mon père, sanglota Raton. Il a disparu sans que je pusse le rejoindre ! Aurai-je la force de l’attendre jusqu’à demain ?…

Malgré la déférente tendresse qu’elles portaient à Raton, ces demoiselles ne surent se tenir de rire, sauf la Boiteuse, qui courut la prendre dans ses bras.