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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/285

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qu’un Américain aurait amenée dans son pays. Après, il ne connaît plus personne, et c’est rare qu’il laisse un cadeau. Mais, dis-moi, la Belle, pourquoi a-t-il couvert ton maillot d’encre ? Tu en as les mains toutes noircies et la figure barbouillée ?…

— Quoi d’étonnant ? dit l’abbé. Cet homme n’est lui-même qu’un encrier, et tout lui est prétexte à répandre de l’encre, encore de l’encre, toujours de l’encre !… En vérité il ne manquerait plus que le Comte de Saint-Germain, heureusement à Schleswig, chez le Prince Charles de Hesse, pour qui il fabrique de faux diamants et de l’élixir de longue vie. Cet autre fol, ce Maçon imposteur, lui aussi de la police, eût fait croire à la Belle qu’il avait connu Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ne l’ai-je pas entendu soutenir que le Sauveur était un bon garçon auquel il aurait prédit qu’il finirait mal !…

» Ô Raton ! reprit l’abbé, si tu n’étais une sainte, je dirais que tu es l’image du Poète. Pourtant, je le puis dire, car la sainteté et la poésie vont ensemble, ou se peuvent prendre l’une pour l’autre. Tu vis paisiblement dans ton rêve, ne cherchant noise à personne, et chacun te berne à son gré, car tu es la confiance même, c’est-à-dire la faiblesse. Comme tu es aussi la beauté sans apprêt du cœur et du corps, et que rien n’excite plus la risée, la haine ou l’envie, c’est à toi, justement, pareils aux