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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/293

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— Lapin, pleura la Boiteuse, dont le sanglot se confondit avec celui de la guitare, tu peux te retourner : Elle est prête !…

— Mettons-nous à genoux, fit l’abbé, et prions-la de nous bénir !

Alors, Raton détacha du petit autel la croix que naguère elle avait ravie à la démence de M. Peixotte, et elle l’éleva au-dessus d’eux tous.

Per te, benedicat nos omnipotent Deus… commença l’abbé.

— Allons, allons ! cria la Gourdan qui poussa la porte, il ne faut plus perdre de temps !…

Elle se signa, néanmoins, car le visage de Raton resplendissait d’une gloire divine.

Mais plus rien ne touchait Raton des affections de la terre. Dédaignant même les trois livres que l’abbé avait rapportés, elle se glissa entre ses amis toujours agenouillés, jeta un dernier regard à son autel de clinquant, et passa devant la Mère comme si elle ne l’eût jamais connue. D’une main elle serrait la tirelire contre son cœur, de l’autre elle élevait le crucifix, et elle marchait les yeux au ciel, sans regarder sa voie ni ses pieds. C’est ainsi qu’elle traversa le salon. Ses compagnes croisèrent d’instinct les bras sur la poitrine et inclinèrent la tête sur son passage. Elle ouvrit, sans paraître la chercher, la