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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/294

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porte secrète qui donnait accès à l’escalier de M. Gomez, et peut-être s’ouvrit-elle toute seule.

M. Gomez, pour ne rien perdre, suçait l’arête d’un hareng après en avoir rongé la tête. Il faillit avaler cette chère dangereuse en voyant passer Raton qui lui parut sortir d’un tableau de piété, et le cocher entendit miraculeusement l’adresse de la rue de l’Université sans que Raton ouvrît la bouche. Il enveloppa son cheval et tira la Belle hors de la vue de l’abbé Lapin, lequel, descendu quatre à quatre, agitait désespérément le chapeau de M. de Sade sur le seuil de M. Gomez, et n’eut d’autre ressource que de noyer ses larmes et la suite de son discours dans le frontignan consolateur.

Aussitôt installée, Raton mit le crucifix dans sa gorge, que tant d’hommes avaient baisée, et la grenade dans la poche de son jupon, que le poids de cinq mille livres aurait certainement rompue sans une grâce singulière. Puis elle s’endormit d’un sommeil exempt de tout rêve, comme si le Ciel eût voulu qu’elle s’éveillât à une vie nouvelle.

Elle fut tirée de sa léthargie par l’arrêt de la voiture et le bruit que fit M. Rapenod en ouvrant la portière.

Hé pien ! Matemoiselle, dit-il, ça fait longtemps qu’on est partie !… Ponchour, Matemoiselle !… Matame la Tuchesse sera contente de fous refoir !… Et comment fa la ponne nourrice ?…