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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/298

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et de sa maison en patronnant sa chambrière comme elle le lui demandait dans une si touchante effusion, en lui trempant les mains de larmes, car Raton s’était saisie des deux ! Enfin, quel sujet inespéré d’occupation et d’entretiens dans le monde !

— Mon enfant, dit-elle, puisque tu as tes cinq mille livres, je consens à te conduire chez la Révérende Mère du Carmel, Marie-Thérèse de Saint-Augustin, qui se nommait dans le monde Mlle de Vilhac. Et même, comme il ne serait pas convenable que tu restasses chez moi, ne fût-ce que sous l’apparence de la servilité, je t’y vais mener tout de suite. J’admire, derechef, et dans la confusion la plus extrême, que Notre-Seigneur choisisse ses épouses aussi bien parmi les humbles servantes que parmi les filles et les maîtresses des Princes. Mais embrasse-moi, mon enfant, ma sœur en Jésus-Christ !…

Raton se jeta dans les bras de Mme la Duchesse qui s’était mise debout, et elle versa longtemps des pleurs contre son épaule, sans que l’idée lui vînt d’admirer à son tour que cinq mille livres pussent rapprocher si subitement les contraires et lui mériter d’être tenue pour une égale, du moins devant le Roi du Ciel, par la femme d’un ministre qui descendait de Richelieu.

Cependant, Mme la Duchesse continua de l’appeler Raton tout court quand son saint transport fut passé,