Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/299

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et de la tutoyer comme devant. Elle sonna pour son carrosse, et, peu de temps après, toutes deux prenaient le chemin de la rue d’Enfer, non sans avoir croisé Poitou, qui, dans le maintien figé que lui prescrivait le bon usage, laissa néanmoins tomber sur Raton un regard où se lisaient à la fois la colère et le désir. Mais Raton s’en souciait peu : en tirant la porte, elle venait de voir son Bien-Aimé lui sourire dans le cadre de M. le Duc. Le panorama parisien qu’elle y détaillait naguère avait fait place à la chapelle du Carmel tout illuminée de cierges, et Raton s’était reconnue devant le maître-autel, épouse de Notre-Seigneur, en robe de mariée.

— As-tu donc oublié quelque chose ?… lui avait demandé sa maîtresse.

Une joie profonde inonda Raton durant tout le parcours. Son cœur palpitait d’allégresse, son visage se colorait d’une vive rougeur et perdait les traces de la fatigue dont Mme la Duchesse avait eu la bonté de s’alarmer : le Bien-Aimé, pour qui elle languissait d’amour, lui était revenu ! Et elle se récita ces versets du Cantique des Cantiques que l’abbé Lapin lui avait appris en lui en expliquant le sens anagogique : « J’ai cherché dans mon lit, durant des nuits, Celui qu’aime mon âme. Je l’ai