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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/301

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un spectre était allée prévenir au nom de Mme la Duchesse. Un Christ d’ébène et d’ivoire, jauni et fendillé, étendait ses bras contre un mur, au-dessus d’une commode de sacristie chargée d’un vase de faïence blanche à lisérés d’or, où fleurissaient des roses de taffetas. En face, se voyaient sainte Thérèse, sainte Marie-Madeleine et sainte Marie l’Égyptienne en des cadres de bois noir. Au milieu, une table nue et d’une raideur hostile semblait attester la rigidité de la règle et la frugalité de la pâture. Un froid mortel régnait dans cette pièce, et l’on avait mis devant chaque chaise un rond de mousse en laine verte, afin de préserver de la fraîcheur du carrelage les pieds douillets des visiteuses. Dans le fond de la pièce, une grille hérissait des artichauts de fer ; derrière elle, un voile retombait à plis funèbres. Il laissait cependant filtrer des rires cristallins : on pouvait penser que le bonheur sans mélange respirait au delà et qu’il n’affectait ces abords maussades que pour sa défense.

— Il existe une autre entrée rue Saint-Jacques du Haut-Pas, fit Mme la Duchesse qui cherchait quelque chose à dire pour se remettre d’un éternuement. En prenant par là nous aurions traversé les jardins…

« Le Vice et la Vertu, pensa Raton, ont ici-bas double face. L’un feint de vendre des tableaux de sainteté