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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/325

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en chuchotant sur leurs sourires, mais celui de Deodata n’y palpitait point. C’était qu’apparemment le nom de Raton lui convenait mieux que tout autre, malgré son origine mondaine, et que chacune se promettait d’adopter la postulante pour sa sœur cadette en l’appelant de ce nom que la Règle eût interdit comme trop affectueux s’il n’avait été le sien.

Enfin, la Prieure avait fait signe de se diriger vers la chapelle, et le silence s’était rétabli en traversant le cloître, où l’on ne doit pas parler, même aux heures de récréation, non plus que dans le chœur, l’avant-chœur, le chapitre, les dortoirs, les réfectoires, les escaliers, et autres lieux de passage. Elles avaient conduit Raton saluer le Saint-Sacrement dissimulé par deux sombres voiles et une triple grille. À l’exemple de ses principales initiatrices, la Mère et trois moniales, Raton s’était prosternée, la bouche contre le sol. En se relevant, elle avait vu son Bien-Aimé, et elle serait tombée à la renverse si deux sœurs ne l’eussent soutenue. Car Il brillait d’une gloire qu’elle ne Lui connaissait pas encore, et la touche divine l’avait sondée jusqu’aux moelles. Mère Marie-Thérèse de Saint-Augustin s’en était montrée mécontente ; dans la cellule que le cérémonial voulait que l’on fît connaître ensuite à la postulante, elle lui avait ordonné de se coucher, ajoutant qu’elle reviendrait tôt après,