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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/360

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mort même qui ne s’est point vue de mémoire de religieuse, enfin, de vos visions de naguère, ressort pour moi la certitude d’un investissement de l’Esprit du Mal. Vous m’avez été présentée par Mme la Duchesse d’Aiguillon, que je révère : ce serait lui manquer que de vous interroger sur le commerce de vos heures de liberté. Sans nul doute avez-vous tenté d’échapper à un milieu détestable en vous jetant au pied des autels. Je m’incline devant une résolution qui fait honneur à votre nature. Mon devoir est de la maintenir dans sa pureté, son intégrité. Pour cela, il vous faut émonder, tailler, greffer, et j’ose dire écheniller, sans quoi ce beau scion de droiture deviendra quelque sauvageon qui ne produira que des fruits véreux, et peut-être pleins de cendre, comme ces arbres stériles des rives de la Mer maudite. Je vais commencer de m’y employer, non pas en vous soumettant au jeûne, à la macération, à la pénitence, ni même à des exercices extraordinaires de piété où le Diable se faufile trop souvent sans que l’on s’en doute, mais en vous imposant le travail, le travail manuel, horreur de l’Enfer ! Un travail pénible, dis-je, qui anéantira vos facultés et brisera les révoltes d’un corps jeune…

« Sœur Deodata, continua la Prieure, écartant à dessein le nom de Raton, si tendre, si plaisant, si juvénile, et en élévant une voix pleine d’aigreur, je vous dispense