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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/362

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dans toute sa longueur. La Vierge et la Pécheresse pleuraient au pied de la croix, le voile rabattu sur leurs visages, et pareilles à des Carmélites. De la rocaille qui servait de siège on pouvait contempler ce tableau que le temps et la Nature avaient rendu plus émouvant que le génie ménager du peintre. Sur les autres parois, toutes festonnées de lambeaux de toiles d’araignée, se déchiffraient encore les instruments de la Passion. Un râteau, un pic, un arrosoir, un ramon, quelques pots de fleurs renversés et garnis de plantes mortes attestaient, par leur poussière et leur délaissement, que, de longue mémoire, les solitaires du lieu n’avaient pas encouru de pénitence.

Ce fut donc là que Raton, tout inondée de sueur, se rendit pour réciter ses vingt pater. Elle allait déposer contre le mur remparé d’écorce la hotte qu’elle venait de vider, lorsqu’elle entendit un faible chevrotement qui semblait l’appeler avec une tendresse enfantine. Elle leva la tête, et vit sur la rocaille un agnelet d’une blancheur éblouissante qui la regardait d’un œil humain couleur d’azur. Ses jambes étaient repliées, sauf une qu’il apprêtait à mouvoir, la soutenant sur la pointe du sabot. Attirée par une force singulière, Raton se dirigea vers l’agneau en lui tendant les bras, et elle s’agenouilla devant lui. Il vint alors se blottir contre sa gorge, accentuant ses