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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/376

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retombèrent le long du corps et cherchèrent un appui par terre : crucifié entre Nicole qui râlait, le menton perdu dans sa gorge, et l’abbé Lapin qui projetait à dix pas le contenu de sa vessie par une blessure, le Bien-Aimé venait de se transformer soudainement. Ses tempes portaient les cornes du bélier noir, ses jambes, couvertes d’une épaisse bourre de laine, se terminaient en pieds fourchus ; le sourire si triste et si doux n’était plus rien qu’un ricanement affreux qui couvrit la musique de l’orgue : « Tout est foutu, tout est foutu !… »

En un éclair, Raton avait pu reconnaître la plupart des comparses de cette parodie diabolique. Ils riaient du même rire que l’Esprit du Mal, les uns se tenant les côtes, les autres se frappant les cuisses, et ce rire immense imitait le bruit des galets roulés par la mer. Il y avait là les vingt pensionnaires de la rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur. Enlacées par Brin d’Amour, la Ramée, Champagne, la Tulipe, des maquereaux et des michés, Gourdan, pour ne pas choir à la renverse, tant elle ne se pouvait tenir de gaieté, accolait la Pimpante et la Follette. Il y avait encore M. Poitou, M. Grand-Jean et M. Petit-Louis qui faisaient des ailes de pigeon et des battus. Mlle Macée tirait la langue en tenant un rat par la queue. M. le Duc, en manière d’éternuement, pouffait