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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/388

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se crut obligée de lui couvrir de linges mouillés le visage et la poitrine. Mais Raton, en proie d’autre part à une grande jubilation, ne cessait de chanter et de rire. Elle ne s’en arrêtait que pour crier : « Amour ! ô Amour !… » Ou bien, elle priait sa garde de la laisser se consumer dans le brasier divin, soupirant après la mort pour qu’elle la retirât de l’exil.

Quand la jubilation la quitta, elle s’offrit en victime pour expier les péchés des autres. Elle nommait toujours les mêmes : M. le Duc, M. Poitou, M. Peixotte, M. le Chevalier, M. de Sade, M. Restif. Et ces péchés, elle en sentait l’infection qui ressemblait fort à celle du bélier noir, laquelle ressemblait à celle de M. Poitou.

— Sentez-vous, Sainte-Anne, disait Raton, comme cela pue ici ? C’est l’odeur du monde qui nous vient relancer.

— Mais non, Raton, répondait la bonne Mère. Je respire, tout au contraire, la suave odeur que vous répandez. Elle est si tenace que les linges et les mouchoirs dont j’essuie vos sueurs merveilleuses en seront à jamais imprégnés. Il me semble même que vos seins se gonflent d’un lait miraculeux qui commence à perler et répand un parfum sans égal.

Raton, qui s’était offerte en victime, ne tarda pas d’être comblée dans ses vœux, en proportion croissante