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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/39

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Duchesse. Mais je t’estime déjà trop, ma petite Raton, pour mettre davantage à l’épreuve ta naïveté. Nous pensons toujours, mon bon ami, que ces paysans sont du bétail et nos gens des chevaux de race. Il s’en faut, de l’un et de l’autre côté.

— Oui-dà ! Parlez-moi des Bretons ! soupira M. le Duc qui avait gouverné leur province pour le plus grand dommage à sa tranquillité. Parlez-moi aussi de nos gens, d’un Poitou, par exemple ! Je me souviendrai toujours de l’affaire de Saint-Cast. On m’amène un officier qui vient rendre son épée. Voilà Poitou, plus mort que vif depuis le premier coup de feu, qui se jette sur lui dans un accès de bravoure inopinée et de zèle intempestif. Il se met en devoir de l’assommer avec un bâton qu’il s’est toujours refusé de troquer contre une pique. Ce faisant, il criait : Vive le Roi ! Vive M. le Duc ! Incontinent, notre gentilhomme prisonnier reprit l’usage de son fer et vous étendit raide le maroufle. Je dus présenter des excuses, mais j’étais bien débarrassé !… Hélas !… pour le malheur de tous, le brave se retrouva à mon service un mois après, ayant survécu chez l’habitant et vécu de ses pois au lard, frais, dispos, de plus en plus ivrogne et fanfaron. Il prétend m’avoir sauvé la vie. Je n’ai pas mémoire que j’aie rien fait pour prolonger la sienne. Ça traîne dans de mauvais lieux, ça s’y pavane