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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/405

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Gomez : son Frontignan a vieilli d’une année. Nous ne saurions nous séparer sans trinquer ensemble… À vrai dire, tu me manques, Père Lapin ; il se pourrait même que tu devinsses un jour mon confesseur, car ce que jadis j’appelai tes folies m’ont troublée peu à peu, et ce que je viens de voir de mes propres yeux me trouble encore davantage…

Cependant, Nicole ne se pouvait tenir de gambader en agitant son mouchoir.

— Je n’boite plus ! je n’boite plus ! criait-elle à tue-tête, saisie d’une ivresse subite. C’est la sainte qui m’a guérie !…

Les autres filles la suivaient, bras dessus, bras dessous, et rangées sur plusieurs lignes, la rue étant trop étroite pour qu’elles pussent tenir sur une seule. Et elles criaient, elles aussi : « E’n’boite plus ! E’n’boite plus ! C’est la sainte qui l’a guérie !… »

Les échoppes, les boutiques se vidaient sur leur passage. Les gens se mettaient aux fenêtres, la plupart finissaient par descendre. Ils rencontraient alors le troupeau des dévotes à qui la sainte n’avait pas rendu la jeunesse de leurs jambes, et les dévotes les renseignaient complaisamment. Les apprentis, les gamins et les fillettes hâtaient le pas sur le flanc du peloton, comme on les voit accompagner la troupe lorsqu’elle passe, enseignes