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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/76

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Mais Raton, ignorant les amours des princes, pensa que sa maîtresse se trompait, car elle lisait sur le cadre le nom de la sainte écrit en belles capitales. Elle n’en admira pas moins la mansuétude du Divin Maître qui pardonne aux pécheresses, et elle s’étonna que de moins grands coupables ne sussent fléchir sa rigueur par l’abandon d’un cœur simple.

La beauté de la musique, la douceur des voix la plongèrent dans une paisible rêverie où elle ne formait d’autre désir que de s’y trouver toujours. Son esprit reposait sur l’encens et la musique comme l’oiseau marin sur la brise d’été. Certains chants l’élevaient soudainement dans l’éther ; il retombait avec d’autres et se laissait bercer à mi-chemin du souvenir, trop haut cependant pour en être blessé.

Mais quoi ! pensait Raton, quand le silence la restituait à la terre, il suffirait de prononcer des vœux, de se plier à la règle des bonnes amies de Mme la Duchesse pour goûter cette tranquille ivresse au milieu d’un décor plus somptueux que celui de M. le Duc et peut-être du Roi ? Se pouvait-il qu’une femme ambitionnât d’autre bonheur ? Elle se sentait faite pour celui-là, à l’exclusion de tous les autres. L’esquisse des passions malheureuses que sa maîtresse venait de lui faire ne l’encourageait pas à les connaître avant de se jeter